A Propos

A Propos de Nous...

Philippe Clain, Artisan Luthier

Introduction
Je suis né à Paris en 1951. 
Adolescent, j’apprends les rudiments du piano et découvre le violon. Les deux premiers disques qui ont bercé mon adolescence sont: Le concerto pour piano et orchestre de Tchaïkowsky et un 33 tours d' Eddy Cochrane.
La musique enregistrée n’est qu’une transposition du plaisir d‘écouter le réel (en live comme on dit). Un musicien ou un orchestre jouant devant vous, écouter les prouesses musicales des copains, sans oublier les moments passés à apprendre à chanter en s’accompagnant d’une guitare, sont des sensations incomparables et irremplaçables.
Je me passionne alors très vite pour ma première guitare. Et parmi mes amis qui fondent des clubs de musique folk, dans des ambiances bluesgrass, jazz, pop, rock, blues, classique ou de musique contemporaine.
je découvre toutes les facettes de cet instrument très populaire, les qualités intimistes de la guitare classique, 
la volubilité de la guitare jazz, les envolées et le lyrisme des accompagnements inspirés des musiques traditionnelles, 
la puissance des groupes de rock ou le dynamisme de certains accompagnements. 
En fait toutes ces qualités et d’autres encore se mélangent selon les besoins, les circonstances et les désirs d’expression des musiciens. On appelle cela l’interprétation. 
Chaque musicien est un interprète et son expression s’appuie sur sa sensibilité au thème qui l’inspire ainsi que son discours musical repose souvent sur l’instrument qui l’accompagne.
 Je parlerai donc de la guitare, sans oublier mes premiers amours qui sont les instruments à cordes frottées.

"A quoi ça sert d’être luthier si je fabrique des copies de ce qui a déjà été fait ?"

APPRENTISSAGE
Après l’École du livre, et une formation d’ébéniste en restauration, je travaille sur Paris chez les frères Baschet, qui sont physiciens acousticiens, à la fabrication d’orgues de verre, d’éoliennes ou de fontaines musicales et bien d’autres structures sonores à caractère sculptural ou pédagogique. L’atelier de François Baschet était un lieu où je rencontrais de nombreux facteurs d’instruments et luthiers du monde entier. Depuis je me pose toujours et encore une grande question : les objets sonores ? J’y découvre de nouveaux matériaux et suis convaincu que les réponses à mes questions sont dans l’expérience et le savoir-faire que chaque facteur d’instrument développe afin de maîtriser ses travaux. A partir d’un certain niveau de compétence, les facteurs d’instrument reconnus pour leur expérience ne prétendent pas parler de leur « art ». Belle humilité ! Et pourtant c’est bien dans ce mot que nous mettons tout leur savoir-faire qui nous échappe ?…, la plastique de l’objet, la magie du « beau ». La notion artistique appartient au prototype, qui est la première création ou réalisation matérielle des idées du luthier et des musiciens. Il s’agit souvent d’un produit sujet à perfectionnement pour l’adapter exactement à la demande. Les fabrications qui s’en suivent n’ont plus d’artistique que l’éblouissement et la surprise du premier regard de celui qui découvre l’originalité de l’idée. L’objet reproduit et amélioré n’est pas originel.


PREMIÈRE GUITARE
Ma première guitare était très moche, et si près de moi, une vraie compagne d’échappées. J’ai très vite voulu lui donner l’aspect de ce qu’elle représentait dans ma petite histoire. En quelque sorte j’ai cherché à sublimer un vilain objet chinois pas cher qui représentait de super moments, rien qu’à moi. Je l’ai alors regardée, auscultée, observée, écoutée, comparée, barbouillée, découpée, recollée, transformée, coloriée, enfin tout ce que l’on peut s’imaginer… Quels que soient les traitements que je lui faisais subir pour que son image puisse concurrencer les magnifiques, rutilants et célèbres instruments de mes amis musiciens, une évidence s’imposait : la beauté et l’efficacité de mes transformations dépendaient du bienfait de mes prouesses techniques, de la pertinence de mes idées et de mes choix. Là, l’affectif cède le pas à la curiosité. L’intérêt, l’observation, la compréhension, la réflexion deviennent les moteurs de ma relation avec les instruments. Merci François et Bernard Baschet de m’avoir accueilli dans vos ateliers, de m’avoir laissé regarder, « espionner », toucher, plier, souder, polir, expérimenter, sonner, écouter, questionner. Je me suis ainsi forgé une sensibilité sonore et formé à une approche acoustique de tous ces objets musicaux.


MATIÈRE ET ACOUSTIQUE
La matière est une donnée très importante en acoustique. Les cordes en acier, bronze, nylon, boyau, fibres sont la source sonore des instruments à cordes. Manches en acajou ou cédro d’Amérique du Sud, touches en palissandre de Madagascar ou en ébène du Gabon, tables en épicéa des Vosges ou Red Cedar du Canada ou sitka d’Amérique du Nord, éclisses et fond en palissandre de Madagascar ou de Rio ou des Indes, ou encore en ébène de Macassar, cyprès des flamencas des rives de la Méditerranée etc. Cela fait beaucoup de pays, un grand voyage, une grande nature, un besoin immense de forêt dans ce Paris où toute cette matière à profusion ne raconte pas son histoire. Elle est juste consommée.


DÉPART POUR LA RÉUNION
En 1972, je m’installe en Ardèche où je restaure des pianos en collaboration avec un accordeur, je répare aussi des violons pour plusieurs établissements de province. Je propose dans les écoles publiques un programme d’animation musicale autour d’un instrumentarium très inspiré des travaux des frères Baschet. En 1984, je quitte la France métropolitaine pour l’Île de La Réunion, à la découverte du « Pays » comme le disaient mes parents. Tous ces beaux bois qui proviennent d’espèces indigènes ou introduites ne resteront disponibles que si la collectivité réunionnaise toute entière fait son affaire de l’avenir de la forêt : tamarin, camphre, badamier, letchi, bois noir ou bannoir, acacia du Siam, cyprès, grévilaire, etc. N’oublions pas les bois de Madagascar qui risquent de disparaître s’ils sont toujours exploités par des entreprises sans aucune gestion du patrimoine forestier. Nous sommes acteurs du drame qui se joue là bas. Parce que nous apprécions cette matière première de qualité, donnons donc à ces essences une plus value qui dépasse l’intérêt financier auquel nous ne pouvons échapper, gratifions nos productions d’une dimension artistique où tout client potentiel puisse y reconnaître la « Lutherie Française ».


UN PARCOURS SINUEUX MAIS RICHE EN EXPÉRIENCES
Artisan Luthier, moniteur AFPAR en « Fabrication de sièges », mon parcours est sinueux, mais la rencontre avec tous les acteurs : producteurs, artisans, musiciens, amateurs, professionnels, commerciaux, clients, curieux, etc., m’a permis de bien situer mon activité au sein de la filière bois. Beaucoup de matériel de dernière génération était à ma disposition durant mon expérience de professeur en lycée professionnel spécialisé dans la fabrication et la restauration de meubles anciens, ce qui m’a permis de développer mes compétences en productique et en informatique. Et puis retour à mes premiers amours, la Lutherie que je n’ai jamais abandonnée.


GUITARE ET TRANSPORT AÉRIEN
La Réunion est une très belle île que je vous conseille de visiter. Son chapeau forestier est classé au patrimoine de l’UNESCO. Je ne fais pas partie du chapeau, mais je vous recevrai avec plaisir lors de votre visite. Les hauts de l’île sont le paradis de La Réunion qui est une prison dorée. La clef du verrou est un billet d’avion vous donnant droit à en moyenne 10 à 12 heures de vol en bétaillère de luxe. Imaginez-vous comment gérer une guitare et tous les soins que vous lui accordez, dans vos bagages. Toutes les compagnies n’acceptent pas toujours et souvent vous obligent à mettre ce précieux objet en soute. Merci les dégâts quand la belle est traitée comme un simple bagage. Ces valises qui souffrent déjà beaucoup… Si l’objet de nos attentions était moins volumineux, les risques seraient moindres. Beaucoup de passagers peuvent quand même embarquer leur guitare en cabine, car ce sont souvent des électriques donc moins volumineuses que les acoustiques. Si j’aime les acoustiques, je dois donc réduire leur volume, au plus près de celui d’une solid body pour l’embarquer en cabine. Conséquence, concevoir une acoustique aux dimensions hors tout, approximativement égales à celles d’une solid body a été mon objectif :
Garder une qualité sonore dans les graves avec un volume de caisse de résonance moindre.
Compenser la perte des partiels par l’accord de ce volume d’air et par le dynamisme et la souplesse de la table et du fond de l’instrument, là est l’enjeu.
La coupable doit être agréable à jouer tout en gardant les qualités d’un bon instrument, équilibre sonore des notes sur toutes les cordes et toutes les positions, confort de jeu, ergonomie, design et originalité sans refabriquer une copie de l’existant. Elle doit être aussi attirante pour que l’on ait envie d’en jouer.


À PROPOS DE MES CRÉATIONS…
A quoi ça sert d’être luthier si je fabrique des copies de ce qui a déjà été fait ? Autant laisser les créateurs fabriquer leurs créations. Voilà comment est née la Costard, (pour un volume de solid body vous avez une électro-acoustique équipée de 2 micros un electro-magnétique et un piezo).

La BERETA
La Béréta est une solid body à la table sculptée en badamier. Le principe de son concept est celui des Fender, que j’appellerai aussi guitare légère, au son très porté sur de magnifiques aigus, des médiums bien marqués caractérisés par un timbre que j’appellerai guttural, comme les voix des chanteurs d’Asie mineure et comme nous le reconnaissons des micros simples bobinages. Par leur densité le margosier ou le badamier s’y prêtent bien, les qualités mécaniques de ce dernier sont idéales pour fabriquer des manches qui demandent un bois stable, souple, léger, résistant et de bonne finition. La touche en palissandre, aux pores creux, plus souple que l’ébène, confère une meilleure souplesse au manche sur les concepts légers qui demandent des matériaux moins amortis que dans le concept des guitares lourdes. Les largeurs de la touche permettent un jeu rapide et une envie de venir au démanché. Ces guitares sont équipées de 3 simples bobinages et d’un routage similaire à celui des Sratos : 1 volume, 2 tonalités et 1 switch 5 positions.


NAISSANCE DE L’INSPIRATION
Avec un musicien nous avons eu l’envie d’équiper cet objet de micros doubles bobinages. Ce qui est possible car le logement d’implantation des micros est une cavité rectangulaire où je peux monter indifféremment des simples ou des doubles bobinages en changeant simplement la plaque où sont montés les capteurs. L’Inspiration est née. Les micros doubles bobinages se caractérisent par une enveloppe plus ronde que les simples bobinages, des graves plus évidents, une attaque plus souple, un niveau de sortie plus élevé, moins de bruit… Nous avons tout de suite pensé au concept des Gibson que j’ appellerai « guitare lourde » caractérisé par des sons graves et plus riches en basses fréquences. J’ai donc choisi des essences de bois plus denses, plus amorties afin de renforcer l’attaque des sons. À l‘écoute de ce type de guitare nous ne devons pas avoir la sensation mollassonne des sons qui se mélangent parce qu’ils se définissent mal à l’attaque. Des doubles bobinages fixés sur un matériau plus lourd et plus dense que les bois tendres rendent un son plus sec et plus franc à l’attaque. L’Inspiration I, puis l’Inspiration II et l’Inspiration III évoluent constament. Les routages, par exemple, changent. Je n’ai pas gardé la configuration Gibson. L’Inspiration est équipée :
D’un volume ;
D’une balance avec point milieu qui donne un volume maximum pour les 2 micros, tout en proposant un réglage et une palette de sons très progressifs entre les micros neck et bridge ;
D’une tonalité par micro, donc 2 tonalités ;
Ce qui fait en tout 4 potentiomètres, auxquels j’ajoute un switch selon la demande des musiciens.Les critères de ces deux concepts : la « guitare légère » et la « guitare lourde » peuvent se mélanger, grâce notamment aux progrès de l’électronique. Et surtout aux idées des musiciens qui ont un champ de liberté très important dans la conception de mes instruments :
Le choix des bois selon leurs goûts et leurs projets musicaux ;
Les mensurations du manche, largeurs, épaisseurs, profil de la poignée, radius de la touche, frettage, filetages et incrustations…
La finition des bois ;
L’accastillage comme les mécaniques, le cordier, le chevalet, les boutons…
L’électronique ;
Le routage, ou si vous préférez la configuration des commandes de réglage.
Je garde pour moi : la compétence pour réaliser les assemblages et concrétiser les choix techniques des options et idées florissantes des musiciens rêveurs. Beaucoup de ces idées sont inspirées d’une expérience de jeu que je n’ai pas devant mon établi.La guitare électrique solid body a un très gros avantage. Elle laisse plus de liberté au créateur car les contraintes acoustiques sont différentes et moins importantes que pour les instruments acoustiques. Le design, l’ergonomie et l’électronique, trois mots qui malgré tout représentent de vastes réflexions d’immenses énumérations de critères d’idées de contraintes qui doivent tous se conjuguer harmonieusement pour représenter l’instrument de vos rêves et de mes rêves aussi ! Car je les fabrique.

À bientôt pour d‘autres projets.
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